Luminiscence en horlogerie

Pourquoi certaines montres brillent-elles dans le noir et d'autres non?

C’est l’une des premières questions que je me suis posée lorsque, en tant qu’apprenti, j’ai démonté ma première montre militaire ancienne. À l’intérieur, j’ai découvert une substance qui brillait d’un vert étrange. Des années plus tard, j’ai compris que cette lueur n’était pas une simple curiosité, mais le fruit de décennies d’innovation dans le domaine fascinant de la luminescence, une science qui continue d’éclairer nos poignets une fois le soleil couché.

Dans cet article, je vous propose de découvrir l’origine, l’évolution et les différents types de luminescence utilisés en horlogerie. Préparez-vous à porter un nouveau regard sur votre montre.

Qu’est-ce que la luminescence?

La luminescence est la capacité de certains matériaux à émettre de la lumière visible après avoir absorbé de l’énergie. En horlogerie, cette technologie est principalement utilisée pour rendre les aiguilles, les index ou les lunettes lisibles dans l’obscurité. Bien qu’on la considère aujourd’hui comme acquise, elle a révolutionné l’utilisation des montres, notamment dans des environnements extrêmes comme la plongée, l’aviation ou le milieu militaire.

Brève histoire: du radium au Super-LumiNova

Les débuts dangereux: le radium

Dans les années 1910 et 1920, les montres ont commencé à intégrer du radium, un matériau radioactif qui brillait en continu sans avoir besoin de lumière préalable. Très utile... mais aussi très dangereux. Les « filles du radium », comme on appelait les ouvrières qui peignaient les cadrans, ont souffert de graves maladies à cause d’une exposition prolongée. Son utilisation a finalement été interdite dans la plupart des pays.

Le tritium: une alternative moins dangereuse

Le tritium, un isotope radioactif plus sûr, a pris le relais à partir du milieu du XXe siècle. Bien qu’il perde lui aussi de son efficacité avec le temps, il est plus stable et moins nocif. Son usage reste cependant très encadré aujourd’hui.

Le grand bond: Super-LumiNova et ses dérivés

Aujourd’hui, la majorité des montres modernes utilisent des pigments photoluminescents comme le Super-LumiNova, développé en Suisse dans les années 90. Non radioactif et respectueux de l’environnement, il absorbe la lumière naturelle ou artificielle pour ensuite la restituer dans l’obscurité pendant plusieurs heures.

Les types de luminescence les plus courants en horlogerie

1. Peinture au Super-LumiNova

C’est aujourd’hui la norme dans les montres de moyenne et haute gamme. Elle est appliquée comme une peinture sur les aiguilles, index ou chiffres. Plus la couche est épaisse, plus la luminosité sera intense et durable. Elle est disponible en plusieurs couleurs visibles en journée (blanc, crème, bleu, vert) et offre une brillance intense en vert ou bleu la nuit. Le vert est le plus courant car c’est la couleur que l’œil humain perçoit le mieux dans l’obscurité.

2. Trigalight (tubes au tritium)

Certaines marques, comme Luminox ou Ball, utilisent des microtubes scellés au tritium qui brillent de façon autonome pendant jusqu’à 25 ans. Ils ne nécessitent aucune exposition à la lumière et conservent une intensité constante en toutes circonstances. Idéal pour les usages tactiques ou de survie.

Ces tubes sont positionnés sur les aiguilles, à chaque heure du cadran, et parfois même sur la lunette pour une lecture rapide, notamment sur les montres de plongée.

3. Électroluminescence (rétroéclairage EL)

Utilisée principalement sur les montres digitales comme les Casio G-Shock, cette technologie éclaire tout l’écran grâce à un courant électrique. Très efficace dans l’obscurité, elle dépend toutefois de la batterie de la montre.

Facteurs influençant la qualité de la brillance

Toutes les lueurs ne se valent pas. La durée et l’intensité de la luminescence dépendent de plusieurs éléments:

• Quantité de matériau appliqué
• Qualité du composé lumineux
• Exposition préalable à une source de lumière (dans le cas du Super-LumiNova)
• Couleur du pigment (certaines brillent plus que d’autres)
• Ancienneté de la montre (les matériaux vieillissent et perdent en efficacité)

Comment savoir quel type de luminescence possède votre montre?

Même si les fabricants le précisent souvent dans leurs fiches techniques, certains indices permettent d’en savoir plus:

• Si tout le cadran s’éclaire en appuyant sur un bouton, il s’agit probablement d’électroluminescence.
• Si la montre ne brille qu’après exposition à la lumière, c’est du Super-LumiNova.
• Si elle brille faiblement en continu, même dans un tiroir fermé, il s’agit de tritium.

La luminescence a-t-elle encore de l’avenir?

Absolument. Même si cela peut sembler un détail, la luminescence continue d’évoluer. On expérimente déjà des matériaux hybrides, des pigments plus puissants et des solutions sur mesure pour des cadrans squelette ou des designs minimalistes. C’est aussi un véritable outil esthétique qui donne une identité nocturne à chaque marque.

Du radium dangereux aux innovations suisses du Super-LumiNova, la luminescence a accompagné l’évolution de l’horlogerie avec éclat. Aujourd’hui, elle ne se contente pas d’améliorer la lisibilité : elle apporte du caractère, de l’histoire et de la technologie à chaque création.

La prochaine fois que vous regarderez votre montre dans l’obscurité, pensez à tout ce qui se cache derrière cette petite lueur.